La socialisation d’un chien ne se fait pas « une fois de temps en temps » ou grâce à un chien en particulier.
C’est un peu un pavé dans la mare, je suis désolée mais ce texte me travaille depuis un certain temps et il est difficile de poser le contexte différemment mais je vais tâcher de m’expliquer plus clairement.
Je précise que je vais parler ici de chiens adoptés alors qu’ils sont chiots et non d’adoptions de chiens adultes. Nous pourrons avoir l’occasion d’y revenir dans un autre article mais l’objectif de celui-ci est d’attirer l’attention sur la socialisation du chien adopté alors qu’il était chiot.
En 2020, tout particulièrement, j’ai rencontré beaucoup de binômes ou de familles ayant adoptés un chien. Cependant, je me suis aperçue, au court de l’année, que beaucoup de ces chiens n’avaient pas ou très peu, rencontré de chiens, notamment lorsqu’ils étaient chiots.
Depuis quelques mois, je vois également fleurir sur beaucoup de groupes Facebook des demandes de balades pour des « jeune(s) chien(s) foufou(s) ayant besoin d’apprendre à se canaliser et communiquer avec des adultes bien codés car pas fait beaucoup de rencontres ».
Même si les familles sont conscientes de l’importance de la socialisation, de l’entretiens/apprentissage de la communication canine, même si j’en parle beaucoup et le mets singulièrement en avant, c’est souvent relégué au second plan, remis à plus tard.
Alors oui, il y a eu le.s confinement.s, c’est vrai… et je suis familière du « problème » (s’il en est un) car j’ai moi même accueilli un chiot en plein milieu du confinement de printemps (Tommy). Mais, pour autant sa socialisation a été l’une de mes principales préoccupation et elle l’est toujours !
Où voulais-je en venir ?
Au fait que la socialisation d’un chien ne se remet pas à plus tard. Ce n’est pas quelque chose que l’on organise lorsque l’on a le temps, lorsque l’on y pense. C’est une priorité absolue qui doit se mettre en place dès l’arrivée du chiot dans sa famille car elle est un facteur déterminant de son bien être futur, de celui de sa famille et des autres chiens qu’il sera amené à croiser dans sa vie.
Oui, un chien chez lequel on a entretenu, accompagné et développé les capacités de communication gagne en bien être dans certaines situations et, à l’inverse, un chien que l’on a pas aidé en ce sens pourra se retrouver en difficulté dans certains contextes ou handicaper ses congénères dans d’autres.
Prenons un exemple : madame Truc vient à ma rencontre pour Kiki, son Berger Australien de 15 mois. Kiki se met dans tous ses états lorsqu’il croise des chiens, ce qui est difficile à gérer pour madame Truc car il pèse déjà son poids (pas loin de 30kg). Nous nous rencontrons donc sur mon terrain pour faire faire des rencontres canines à Kiki et évaluer ses besoins, ses capacités de rencontres. Nous découvrons un jeune chien pas agressif du tout mais dans un état d’excitation intense, qui ne gère pas ses émotions, n’entend ni ne comprend la communication des chiens présentés et, donc, ne la respecte pas. Kiki n’est pas méchant bien sûr mais il est délicat à prendre en charge car il ne peut pas rencontrer n’importe qui, n’importe comment. Normal me direz-vous mais néanmoins pas toujours facile à mettre en place ! Kiki ne peut pas rencontrer de petits chiens, de chiens de gabarits légers ou de chiens trop âgés par soucis de sécurité pour ces derniers. Il ne peut pas rencontrer de chiens sensibles ni trop inexpérimentés non plus. Alors, à qui puis-je le présenter ? A des grands chiens, pas trop jeunes ni trop âgés, pas trop sensibles ni trop exigeants non plus, pas trop excitables ni excités. Ces chiens là existent mais le spectre devient tout de suite nettement plus restreint pour Kiki et, soyons honnêtes, ce n’est pas un cadeau que je fais à ces fameux chiens que je vais lui présenter.
Pourquoi madame Truc n’a-t-elle pas pris en charge la socialisation de Kiki avant cela ? Car elle n’avait pas vraiment le temps, entre le.s confinement.s, le travail, la vie de tous les jours, un déménagement, etc… Il a rencontré une chienne de la famille avec laquelle il a « joué » pendant des heures (Était-ce vraiment du jeu ? On peut se permettre d’en douter et de plutôt visualiser de l’excitation à outrance), croisé quelques chiens en promenade mais toujours en étant attaché en laisse plutôt courte ou interagi derrière des grillages/portails.
Alors voilà, le temps a passé, Kiki est maintenant adulte, grand, fort, lourd et organiser ce qui aura dû être fait alors qu’il était petit, souple et nettement plus adaptable devient un casse-tête réel alors que c’eut été nettement plus simple il y a quelques mois, pour tout le monde : Kiki, son humaine, moi, mes chiens, tous les chiens que nous allons solliciter.
Cette situation, je la vis quotidiennement et je la déplore car elle est réelle mais malgré toute la prévention que je peux tâcher de faire, celle faite par les éleveurs, par mes consœurs et confrères, la socialisation du chien est toujours envisagée comme étant un truc facile à faire mais, surtout, facile à reporter.
De plus en plus de gens ont l’air de penser que l’on peut tout demander à tous les chiens, quel que soit leur tempérament, leur condition physique, leur âge. Que l’on peut compter sur un ou deux chiens « super bien codés » et des balades occasionnelles une fois le chien adulte pour apprendre à son chien ce qu’il aurait dû acquérir progressivement depuis son plus jeune âge, au contact de chiens différents, variés et variables.
La socialisation du chien, ce n’est pas cela et, par respect pour tous les protagonistes, cela ne doit plus être envisagé comme cela.
La socialisation du chien commence dès son plus jeune âge, à l’élevage déjà. Il sera au contact de sa fratrie, de sa mère mais également d’autres individus, d’âges variés. Il pourra y faire la rencontre de chiens de sa race mais pas que, de chiens de petits ou grands gabarits.
Arrivé dans sa nouvelle famille, le chiot – après une évidente période d’adaptation dans ce nouvel environnement et auprès de sa famille – devra être mis en contact régulièrement avec des chiens différents, grands, petits, jeunes, moins jeunes, aux tempéraments variés et ces rencontres devront être sans cesse étudiées pour correspondre à la personnalité du chiot. Il ne devra pas être placé dans des « école du chiot » où il ne sera alors qu’en contact avec d’autres jeunes chiens ni être isolé non plus ou ne rencontrer que les chiens du cercle familial. L’objectif de ces mises en place est d’aider le chiot à être le plus adaptable possible, à être en capacité de comprendre la communication de ses congénères et de communiquer lui-même en s’adaptant à l’individu en face de lui. Un grand chien devra donc apprendre à côtoyer des chiens de petits gabarits afin d’être respectueux de leur taille et capacités physiques autant qu’un petit chien devra rencontrer des grands chiens afin de ne pas être apeuré, impressionné, un chien excité devra rencontrer des chiens calmes afin de mieux gérer ses émotions, etc…
Alors, bien sûr, on peut se tromper, personne n’est parfait et l’on n’attend pas nécessairement d’un chien qu’il aime tout le monde non plus. Il est impératif d’être à l’écoute de son chien, de celui qu’on lui fait rencontrer également, d’être vigilants au bien être de chacun de manière systématique (cela va sans dire). Mais, il est primordial de faire de son mieux afin d’éviter des situations tellement compliquées à solutionner une fois que le temps a passé…
Car on peut vite se retrouver dans un cercle vicieux et sans fin : le chien devient compliqué à gérer alors il rencontre moins de chiens… mais comme il rencontre moins, il devient de plus en plus compliqué à gérer… donc il ne rencontre plus de chiens… donc il devient de plus en plus en compliqué à gérer… et c’est le serpent qui se mord la queue en faisant mal à tout le monde.
On peut aussi en arriver à des solutions terribles et, parfois, totalement irréversibles comme les abominables colliers électriques, pour ne citer qu’eux. Comment faire revenir un chien de telles expériences ? Comment faire changer de point de vue à un chien qui pense qu’un autre chien = une décharge électrique ? Parfois, c’est impossible…
Vous l’aurez compris, la socialisation du chien doit être prise au sérieux, elle doit être organisée correctement, par respect pour votre chien mais aussi pour tous ceux que vous allez lui faire rencontrer, toute sa vie.